Lyon, Le 9 Octobre 2024
L’ UR UFAP UNSa Justice de Lyon constate que comme toujours, notre administration manipule les chiffres, et par rapport à l’encombrement « théorique » officialisé par la pénitentiaire, il faut rappeler un certain nombre d’aspects dont plus personne ne tient compte pour établir ce qu’est vraiment le surencombrement auquel les personnels de détention et dans les services doivent faire face.
Cette tricherie, ce mensonge institutionnel gigantesque a commencé avec le Projet de Loi de Finances (PLF) pour 2007.
Les huiles de l’époque sortaient des constats à faire pour les plans 13000 (25 établissements mis en service entre le 2 Mai 1990 et le 16 Octobre 1992), on sortait juste du plan 4000 achevé en 2004 (6 établissements) et on était en attente du plan 13200 (28 établissements à construire) qui prenait du retard.
Dans l’attente des livraisons de ce programme 13200 qui a vu pousser sur la région notamment les établissements de Corbas, Roanne et Bourg en Bresse, nos penseurs n’ont rien trouvé de mieux que de décrêter qu’un dispositif devait être mis en place visant à « dégager » officiellement 3000 places d’hébergement supplémentaires (dont 500 en semi liberté) sur les emprises foncières existantes.
Un nouveau mode de calcul des surfaces par établissement et hop, ni vu ni connu, on récupère via cette escroquerie en bande organisée, un nombre de places conséquent, notamment à l’époque, sur le dos des établissements du plan 13000.
Les effectifs théoriques de tous les établissements déjà construits à ce moment-là ont donc été revus à la hausse sans que la moindre cellule n’ait été construite.
Parallèlement, il faut rappeler que la Loi de 1875 prévoit l’encellulement individuel. Là encore nos opiniâtres autorités auront réponse à tout : Si Éric Dupond-Moretti a fait le choix d’un nouveau moratoire autorisant à ne pas respecter cette Loi, c’est parce que « sur le plan juridique, outre le contentieux portant sur le droit à des conditions de détention conformes à la dignité, le surencombrement en maison d’arrêts est également de nature à placer le ministère de la Justice en situation d’illégalité au regard du droit à l’encellulement individuel. »
* L’amendement adopté par les députés, et repris par le gouvernement dans son 49.3, prévoit que le moratoire sera repoussé au 31 décembre 2027.
Il est donc clair que la dignité, que ce soit pour les personnels ou les détenus, du point de vue des autorités passe bien après la nécessaire protection de l’administration à ne pas être condamnée de
manière incessante pour les conditions indignes dans lesquelles elle place les gens qui se retrouvent sous sa coupe.
Incroyable d’arriver à tenir de tels propos pour un Ministre. Ça montre bien sa totale déconnexion !
On note une nouvelle fois que le pouvoir législatif sert de bras armé à l’exécutif !
Après l’article 57 en 2009 (Loi pénitentiaire interdisant les fouilles systématiques) et les moratoires à répétition (il y en avait déjà eu en 2000, 2003, 2009, 2014, et 2019), les représentants du parlement, députés en tête, qui aujourd’hui constatent plus ou moins opportunément que la prison est dans un état d’abandon total sans la moindre autorité de l’État, devraient s’interroger sur leur responsabilité quant à ce terrible bilan.
Il faudrait sans doute cesser de voter des moratoires qui permettent à l’État de ne pas respecter la Loi et donner à notre institution un véritable budget, des objectifs pragmatiques (et pas seulement d’affichage comme jusqu’à présent), et laisser bosser les professionnels qui connaissent le public sans les parasiter avec des grandes idées de technocrates et de politiques qui n’ont vu des détenus qu’à la télé.
Forte de ces constats, l’UR UFAP UNSa Justice de Lyon constate aujourd’hui les effets de toute cette politique désastreuse, sans ambition et sans autre motivation que celle visant à ne faire que de la gestion au jour le jour, sans vision des grands objectifs que devrait se fixer le service public pénitentiaire pour le bien des citoyens de ce pays.
Concernant les établissements de la région, les conséquences sont là (chiffres annoncés confirmés au 4 Octobre 2024 ):
A Moulins QMA 6 matelas au sol, les cellules individuelles de détention ordinaire sont toutes en lit superposés et mesurent 7,74 m². Quand on met 3 détenus dedans, c’est un joli Tetris. Les cellules de 15M2 ont 2X2 lits superposés. Avec plus de 160 % de taux d’occupation, les personnels ne s’y ennuient pas.
A St Quentin Fallavier CP, 63 matelas au sol, toutes les cellules simples ont des lits superposés. Le QMA de cet établissement atteint le taux insupportable de 198 % d’encombrement.
A Bourg en Bresse : 49 matelas au sol, et une centaine de cellules simples ont été doublées en MA.
A Riom, 111 matelas au sol, 84 cellules simples sont en lits superposés et 60 lits supplémentaires en commande. Le QMAH de Riom est à 149 % d’occupation.
A Villefranche il n’y a que très peu de matelas au sol, mais comme St Quentin, de très nombreuses cellules de 9M2 sont doublées, c’est un des établissements qui a le plus subi le DAC de 2007 cité plus haut. A l’étage J0 par exemple, sur 40 cellules initialement construites pour accueillir un détenu seul, 31 sont dotées d’un lit superposé et donc doublées.
La MA Corbas fait office de tenancière de nombreux records, dont celui du nombre de détenus hébergés, dépassant les 1100 détenus dans ses murs et un surencombrement à presque 170 %. On décompte 161 matelas au sol. La MA Corbas héberge à elle seule 15 % des détenus incarcérés sur la région !
A Bonneville, 50 Matelas au sol et un QMAH à 184 % d’occupation. Cet établissement est bien trop petit pour accueillir les détenus envoyés par les trois juridictions de ce département.
Les deux établissements atypiques de la région que sont St Etienne et Varces, outre le fait d’une vétusté particulièrement avancée, subissent de surcroît d’énormes problématiques en effectifs en personnels et des surencombrements très importants en dépassant toutes les deux les 150 % d’occupation dans leurs QMA.
Les petits établissements sont ceux qui subissent le plus le surencombrement. A l’exception d’Aurillac MA qui n’est « que » à 126 % d’occupation, toutes les autres structures dépassent les 150 % et à Chambéry et Le Puy, on dépasse les 200 %.
A Le Puy, officiellement 1 seul matelas au sol, 25 cellules doubles et 6 cellules triples ! Pas de matelas au sol, mais 211% de taux d’occupation !
A Montluçon, toutes les cellules de 9M2 ont des lits superposés, deux dortoirs de 20M2 de 5 lits un superposé et un lit à 3 étages.
A Privas, qui détient un peu le pompon au moment où nous rédigeons ces lignes, l’effectif théorique est de 57 places dont 4 semi libres, il y a 19 matelas au sol soit le tiers de l’effectif théorique, Dans certaines cellules il y a 2X2 lits superposés. Il a fallu libérer des cellules pour faire des travaux. Les détenus sont 4 par cellule qui font 9M2. Si rien n’est fait, avec les juges qui incarcèrent à tour de bras, ils seront bientôt 5 !!
Des chiffres officiels à pondérer :
Sans faire le tour complet des établissements de la région, il s’avère qu’on est à plus de 550 matelas au sol sur la région, ce qui équivaut à dire qu’environ 7 % des détenus de la région dorment par terre.
Or, si l’on tient compte de la Loi sur l’encellulement individuel, il s’avère que les taux réels de surencombrement sont assez largement supérieurs à ceux présentés.
Si l’on reprend nos chiffres, chaque cellule doublée avec un lit superposé dans 9m2 au regard de la Loi, ne devrait pas exister. Les taux officiels d’encombrement sont travestis par ce biais et rendent illisibles les réalités qui font que les personnels doivent prendre en charge bien plus de détenus que ce que l’Etat prétendu de Droit devrait leur garantir ; Cela concerne les Personnels de Surveillance, les Personnels Administratifs, les Personnels Techniques et bien évidemment, les Personnels d’Insertion et de Probation.
Aucun corps n’échappe à cette spirale infernale.
Pour l’UR UFAP UNSa Justice de Lyon, le bilan cumulé de cette « gestion » est catastrophique. Nos concitoyens paient des impôts pour que des personnels souffrent et que des détenus, entassés comme du bétail dans un camion de transport, chauffés à blanc par la promiscuité, les enjeux de pouvoir en détention et les conditions globales dans lesquelles ils se retrouvent, les agressent et s’agressent également entre eux.
Tout cela dans un sentiment global d’impuissance des agents de terrain qui comme tous ceux qui sont au contact de la vie des établissements, ne peuvent plus agir efficacement.
L’UR UFAP UNSa Justice de Lyon dit stop ! On ne peut pas continuer à incarcérer, surencombrer toujours plus les établissements avec des détenus de plus en plus violents, toujours plus nombreux à souffrir de troubles psychiatriques.
On ne peut pas continuer comme ça en attendant que le système s’effondre, parce que c’est nécessairement ce qui arrivera si une prise de conscience n’est pas faite par nos décideurs, et qu’ils n’agissent pas utilement si tant est qu’on puisse leur prêter la volonté de le faire un jour.
Il est indispensable de trouver des alternatives à l’incarcération dignes de ce nom et de rompre avec les usines à gaz vecteurs de récidive (Ex: la Libération Sous Contraintes et sa pure logique de flux durement éprouvée par les SPIP et les établissements…) dans un pays qui ne veut pas donner les moyens à la prison de réussir . Si elle ne réussit pas, qu’elle cesse au moins de passer pour être les latrines de la République dans laquelle personne ne se préoccupe de ce qu’il s’y passe une fois que le prévenu ou le condamné a franchi ses portes.
L’indignité, avant d’être la définition des conditions dans lesquelles sont placées les personnes qui sont présentes dans les murs, est la définition de l’état intellectuel de ceux qui au pouvoir, ne font absolument rien pour que ça change !
Propos tenus à la séance en hémicycle du jeudi 27 Octobre 2022 à 15h – PLF 2023
Pour l’UR UFAP UNSa Justice de Lyon
Le secrétaire Général
D.VERRIERE