Pantin, le 17 décembre 2024
Monsieur le Président, Mesdames et Messieurs les Membres du CSA AP,
Nous sommes réunis aujourd’hui pour le dernier CSA AP de cette année 2024 qui restera, à jamais, marquée dans les mémoires des agents pénitentiaires comme une année noire à plus d’un titre.
Les établissements pénitentiaires connaissent une surpopulation pénale jamais atteinte avec plus de 80130 détenus début novembre pour une capacité opérationnelle de 62357 places. Ce « tsunami » ne semble pas prêt de s’arrêter et ce n’est pas la nomination de l’ancien DAP missionné par l’IGJ qui va nous sortir de terre les places de prison manquantes au regard du retard déjà pris dans la mise en œuvre du plan 15000. D’autant que ce plan est d’ores et déjà insuffisant !
Le décès de Grégory durant une mission, l’attaque du 14 mai dernier au péage d’Incarville qui a coutée la vie à Fabrice et Arnaud mais aussi lourdement bléssé trois autres collègues, demeureront un traumatisme pour nombre d’entre nous. L’escalade de cette violence sans limite va jusqu’à mettre à prix la tête de deux personnels du CP de Marseille par un détenu appartenant au narcotrafic au seul motif qu’ils ont exercé leurs missions avec professionnalisme.
Alors Monsieur le Président, l’UFAP UNSa Justice vous le dit, pour l’année 2025, il faudra plus qu’un simple Plan de Lutte National contre les Violences pour que de telles infamies ne se reproduisent plus… Il est temps que des mesures concrètes soient prises car la note du 10 Octobre dernier sur la criminalité organisée ne suffira pas à elle seule. L’anonymisation des procédures pour les fonctionnaires de cette direction doit devenir la règle, tout comme la création d’établissements spécialisés et adaptés !
Dans l’ordre du jour de ce CSA AP figure le projet de décret ARSE qui vient compléter les dispositions législatives issues de la LOPJ 2023, celui-ci permet au JLD de placer quelqu’un sous ARSE, à la condition que l’effectivité d’un hébergement soit vérifiée par le SPIP dans un délai de 10 jours. Si le rapport est favorable, la pose doit intervenir en établissement dans un délai maximum de 15 jours suivant la décision initiale de placement.
L’absence d’étude d’impact préalable tout comme l’absence de révision des effectifs de référence en SPIP pour tenir compte du poids des enquêtes dans le temps de travail des personnels n’ont pas permis d’ouvrir les recrutements nécessaires pour compenser la charge de travail nouvelle. Or, la réalisation d’une enquête de faisabilité en urgence, qui implique de se déplacer au domicile, de faire le tour des lieux et de discuter avec les occupants du logement, nécessitera dans la plupart des cas de déplacer des rendez-vous que l’on ne pourra pas reporter aux calendes grecques. Dans tous les cas, le CPIP devra bloquer entre 1h et 2h de temps (voire plus si le lieu est très éloigné) pour la visite et un temps au moins équivalent pour faire son rapport. Puisqu’il ne pourra pas le faire sur un temps libre à sa convenance au regard du délai, il devra soit déplacer des rendez-vous, soit reporter la rédaction d’autres rapports, soit générer des heures supplémentaires.
Enfin poser un bracelet préalablement à la sortie n’est pas une garantie de ne pas perdre le prévenu, d’abord parce qu’il n’y a pas de surveillance mobile mais surtout parce que le boitier ne sera installé au domicile qu’après sa sortie. De plus, rien ne garantit que le prévenu se rendra bien au domicile du placement.
En conséquence, l’UFAP UNSa Justice ne peut que réitérer son opposition aux dispositions relatives à l’ARSE sous condition préalable, comme elle l’avait déjà fait en son temps dans le cadre de l’examen de la LOPJ 2023. Sur le point 6 à l’ordre du jour relatif aux effectifs de référence en SPIP, l’UFAP UNSa Justice constate qu’alors que lapopulation pénale a dépassé la barre des 80 000 détenus et des 178 000 personnes suivies en milieu ouvert, les chiffres transmis par la DAP à l’occasion de la revoyure des effectifs de référence (ER) pour 2024 font déjà état de 455,9 agents manquants soit 7,2% des effectifs totaux des personnels en SPIP. Des chiffres donc loin des promesses de couverture des ER en 2024, mais surtout très loin des effectifs nécessaires pour une prise en charge normale et des conditions de travail soutenables !
Ces chiffres sont par ailleurs sous-évalués car la DAP ne s’est toujours pas penchée sur la question de l’intégration des flux en milieu ouvert et des enquêtes confiées au SPIP dans le calcul des effectifs de référence. Une autre promesse du précédentDAP qui s’apprêtait à partir aux oubliettes. Lors du CSA SPIP du 19 novembre dernier, face à la détermination des organisations syndicales représentatives et à l’argumentaire de l’UFAP UNSa Justice, le DAP a concédé l’ouverture de discussion sur le sujet au 2e semestre 2025. Il n’est jamais trop tard pour bien faire et l’UFAP UNSa Justice salue le changement de positionnement de l’administration.
L’UFAP UNSa Justice rappelle que les SPIP sont impactés autant que les détentions par l’augmentation continue de la surpopulation pénale, avec les conséquences qu’on connaît :
– aggravation des risques de violence sur les personnels
– accroissement des risques psycho-sociaux
– inadaptation et dégradation accélérée du parc immobilier et des dotations en matériel
– baisse de la qualité et de la fréquence de la prise en charge.
Sur le dernier point à l’ordre du jour de ce CSA AP qui concerne la note relative aux astreintes et interventions, l’UFAP UNSa Justice renouvelle sa demande d’un cadrage national des astreintes et revendique également une revalorisation des montants à hauteur de :
- 225 euros pour une semaine complète d’astreinte sans jour férié
- 250 euros pour une semaine complète avec un jour férié
- 400 euros à compter de la 15eme semaine
- Un coefficient multiplicateur de 1.5 lorsque le délai de prévenance est inférieur à 15 jours
Nous tenons à revenir sur le 5 décembre dernier, journée pendant laquelle les fonctionnaires se sont mobilisés massivement contre les mesures du gouvernement démissionnaire et de son ancien Ministre de la fonction publique monsieur KASBARIAN. Durant cette mobilisation, les agents publics ont exprimé leur refus :
• de l’allongement du délai de carence à 3 jours
• de la diminution de l’indemnisation des jours d’arrêt maladie
• du non-versement de la GIPA en 2024
Ces trois projets de mesures doivent être retirés !
Outre l’abandon des mesures contestées, pour l’UFAP UNSa Justice, il appartient au nouveau gouvernement de rétablir la confiance et d’ouvrir les chantiers indispensables relatifs à l’attractivité de la fonction publique, et à la fidélisation des agents (rémunérations, parcours de carrière et conditions de travail…) La seule méthode qui doit prévaloir est celle du dialogue social et notamment celle de la négociation collective.
L’UFAP UNSa Justice demande aux parlementaires et au nouveau gouvernement de construire une Loi de Finances pour 2025 prévoyant des moyens :
• à la hauteur des missions du service public pénitentiaire
• permettant des créations d’emplois, le comblement des emplois vacants et l’ouverture d’un plan de titularisation et de résorption de l’emploi contractuel
• des mesures salariales générales, bénéficiant à l’ensemble des agents, titulaires et contractuels
• la refonte des grilles indiciaires
• le renforcement des politiques d’égalité salariale et professionnelle entre les femmes et les hommes…
L’UFAP UNSa Justice continue de porter les revendications exprimées massivement lors de cette journée. La mobilisation engagée ce jeudi 5 décembre est un avertissement qui doit être entendu !
L’UFAP UNSa Justice reste mobilisée et prête à riposter une nouvelle fois, si les mesures visant le bashing anti-fonctionnaires étaient maintenues dans un futur projet de Loi de finances. A bon entendeur !
L’UFAP UNSa Justice ne pouvait terminer cette déclaration sans évoquer la situation de Mayotte qui a été ravagée samedi dernier par le cyclone Chido. Bien que le centre pénitentiaire de Majicavo ait résisté à ce dernier, il a quand même subi un certain nombre de dégâts : clôture extérieure, concertina, filets antiprojections, toiture du Mess ont été détruits ou fortement endommagés et les locaux administratifs et quelques cellules ont subi un dégât des eaux. Au-delà de l’aspect matériel, nous avons une pensée pour tous nos collègues, leurs familles ainsi que les civils qui vivent actuellement une situation dramatique entre destructions de leurs habitats, manque de vivres et le recensement des victimes et des morts encore en cours… Espérons que les renforts envoyés sur place seront suffisants pour prêter main forte à nos collègues.
Les élus UFAP UNSa Justice du CSA