Organisation Syndicale Multi-Catégorielle

Courrier au Garde des Sceaux

REF : EC/01/06012025

OBJET : État des lieux du système pénitentiaire français

Monsieur le Ministre,

L’UFAP UNSa Justice tient à vous souhaiter la bienvenue au ministère de la Justice et, en particulier, à l’administration pénitentiaire.

Notre administration occupe une place très spécifique dans notre système judiciaire, en se chargeant de l’exécution des décisions et sentences pénales prises par l’autorité judiciaire, au nom du peuple français. Nos missions de surveillance, de prévention de la récidive, de prise en charge des publics en milieu fermé et ouvert, de suivi des mesures de placement ou d’exécution des peines à l’extérieur sont capitales pour l’équilibre de notre société.

Les personnels pénitentiaires interviennent au bout de la chaîne pénale et du champ social. Au-delà des missions de garde et de réinsertion, il leur est demandé de réussir là où les dispositifs sociaux et judiciaires ont échoué avant eux, avec un budget annuel bien maigre face aux défis quotidiens et aux enjeux sécuritaires et sociétaux.

La reconnaissance de leur investissement et de leur professionnalisme est, elle aussi, bien loin des services rendus à la Nation.

Depuis plus de 30 ans, la politique carcérale et la question pénitentiaire sont caractérisées par l’immobilisme, l’absence de volonté et de courage.

Le déficit capacitaire du parc immobilier, les moratoires sur l’encellulement individuel, le manque récurrent de personnels de tous corps aggravent la dégradation continue des conditions d’exercice de nos missions. Aujourd’hui, ce sont près de 4000 vacances de postes.

Cette détérioration est accélérée par une surpopulation pénale battant tous les records, des cellules surpeuplées et des détenus vindicatifs, intolérants à l’autorité et dont le comportement est de plus en plus imprévisible et violent.

Les personnels pénitentiaires sont en première ligne face aux violences verbales, physiques et psychologiques. Les intimidations, les menaces et les coups sont malheureusement une banalité à l’intérieur de nos structures et se manifestent de plus en plus régulièrement à l’extérieur, voire jusque dans la vie personnelle et familiale des agents.

Cette escalade illustre les tensions au sein de notre système pénitentiaire et les pressions subies par les personnels, notamment de la part d’individus appartenant à des groupes criminels organisés, structurés et disposant de moyens énormes.

Les personnels pénitentiaires ont aujourd’hui, plus que jamais, besoin de votre soutien, de celui du gouvernement et du monde politique.

Nos missions se diversifient toujours un peu plus mais sans apport suffisant de personnels. Dans ces conditions, la charge de travail augmente et les heures supplémentaires s’accumulent sans être rémunérées. L’Etat employeur vit à crédit sur le dos de ses fonctionnaires ; un crédit qui atteint aujourd’hui plus de 13,5 millions d’euros, sans compter les heures passées à la trappe de l’écrêtage.

Le milieu ouvert n’a rien à envier au milieu fermé : les personnels des services d’insertion et de probation croulent sous les suivis et les mesures, bien loin des règles européennes de probation.

De cet état des lieux découle un constat sans appel : le système pénitentiaire français n’est plus réformable et doit faire l’objet d’un changement radical de cap dans la prise en charge de la population pénale, depuis l’écrou jusqu’à la libération, et des probationnaires. Afin que l’exécution de la peine joue pleinement son rôle de régulation sociale, le temps de l’incarcération ou de la probation doit être un temps utile pour donner un sens à la sentence et redonner du sens aux missions des personnels pénitentiaires, dans un cadre sécurisant, sécurisé et sécuritaire.

Les attentes des personnels pénitentiaires sont fortes et nombreuses. Ils sont lassés et épuisés des orientations politiques hasardeuses et des rendez-vous manqués. Ils demandent des solutions innovantes, systémiques et pérennes pour améliorer leurs conditions d’exercice et leur quotidien, qu’il soit professionnel ou personnel.

C’est en ce sens que l’UFAP UNSa Justice demande une salutaire réorientation de la politique carcérale permettant une reprise en main des détentions et le retour de l’autorité des personnels, de l’ordre et de la discipline.

Les obligations réglementaires doivent s’imposer aux détenus et aux personnes placées sous-main de justice de manière plus contraignante et ainsi mettre un terme à leur sentiment d’impunité.

Notre organisation syndicale revendique, depuis 1992, la création d’établissements spécialisés et adaptés aux profils pénaux et carcéraux, en termes de sécurité et de prise en charge. La sécurité des personnels pénitentiaires doit être prioritaire sur tout autre critère.

Dans le même esprit, pour assurer leur sécurité et celle de leurs familles, les personnels pénitentiaires doivent donc se voir appliquer les dispositions de l’article 15-4 du Code de Procédure Pénale. L’UFAP UNSa Justice vous demande de permettre l’anonymat des agents à tous les stades des procédures disciplinaires et pénales, par l’utilisation systématique d’un matricule à la place du patronyme, dans tous les actes administratifs et juridiques liés à la détention.

De nouvelles prérogatives doivent être accordées aux personnels pénitentiaires afin de garantir le bon exercice des missions. La lutte contre l’introduction d’objets interdits et dangereux ou de substances illégales au sein des établissements doit être dotée des moyens législatifs, matériels et humains adaptés pour mettre réellement un terme aux violences et trafics et à la continuité des activités criminelles depuis les établissements pénitentiaires. Une action forte doit être engagée pour briser les effets de groupe et lutter contre les noyaux durs d’influence ou de pression et le caïdat.

L’UFAP UNSa Justice, 1ère organisation syndicale de ce ministère, est prête à vous rencontrer rapidement afin d’aborder avec vous l’ensemble de ces sujets.

Le respect des engagements du protocole de juin 2024, la lutte contre la surpopulation carcérale et les violences, la sécurité des personnels pénitentiaires et le paiement des heures supplémentaires représentent également des urgences sur lesquelles les personnels attendent des réponses et garanties.

Dans l’attente de vous rencontrer, je prie d’accepter, monsieur le ministre de la Justice, mes salutations respectueuses.

Le Secrétaire Général,
Emmanuel CHAMBAUD

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