Courrier adressé au President de la République, Premier Ministre, Garde des Sceaux, Senateurs, Députés
Pantin, le 07 mars 2024
OBJET : Surpopulation carcérale historique
Mesdames et Messieurs les Sénateurs,
Au 29 février, 76258 personnes détenues étaient comptabilisées au sein des prisons françaises pour 61 737 places, soit 5.5% de plus en un an. Depuis la fin de la crise sanitaire, c’est chaque mois un chiffre historique et un nouveau record. Avec une croissance aussi soutenue de la population pénale, la livraison globale des 15000 places supplémentaires programmée d’ici 2027 ne permettra pas à la direction de l’administration pénitentiaire de tenir son objectif de 80% d’encellulement individuel.
L’UFAP UNSa Justice ne cesse de dénoncer, depuis sa création en 1987, l’inaction et les errements des différents gouvernements qui aboutissent, aujourd’hui encore, au non-respect de ce principe fondamental.
Si les conditions de détention sont grandement impactées par cette surpopulation chronique, les conditions d’exercice de tous les personnels pénitentiaires s’en trouvent gravement dégradées. Elles sont tout autant inhumaines et dégradantes. Toutes et tous sont débordés, sursollicités et ne parviennent plus à exercer leurs missions dans un cadre de travail acceptable.
Qu’ils soient personnels de surveillance, d’insertion/probation, administratifs ou techniques, c’est quotidiennement « l’enfer du devoir » pour mener les missions qui leur sont confiées. Entre problèmes de cohabitation dans les cellules, tensions, insultes, menaces et agressions, les surcharges de travail s’accumulent également dans tous les services administratifs et les SPIP, avec une multiplication des dossiers, des mesures d’accompagnement ou de prises en charge. Le parc immobilier se détériore beaucoup plus rapidement. Les interventions et réparations liées aux dégradations du bâti augmentent et les opérations d’entretien courant des équipements se compliquent.
Plus grave encore, en sous-effectif chronique, les agents ont cet étrange sentiment qu’ils doivent eux-mêmes trouver des solutions. La passivité du ministre de la Justice et du directeur de l’administration pénitentiaire est affligeante !
Lors de notre dernier entretien à la Chancellerie, la conseillère sociale et modernisation et le conseiller politique pénitentiaire du ministre de la Justice nous ont interrogés sur nos pistes de réflexion sur la surpopulation carcérale. Si notre organisation syndicale leur a fait part de ses propositions concrètes à court, moyen et long terme, la question de l’existence d’une réflexion de fond se pose.
La surpopulation est un problème auquel le législateur se doit d’apporter une réponse. Un véritable débat de société doit également s’ouvrir plus globalement sur la prison : le temps d’incarcération doit-il être un temps utile ou une simple privation de liberté ?
Aujourd’hui, l’urgence réside dans une sortie de cette logique comptable de gestion des flux qui va à l’encontre de nos missions de sécurité, de garde et de réinsertion.
Pour y parvenir, le parc immobilier actuel doit être adapté afin que les capacités d’hébergement et le profil des personnes incarcérées permettent aux personnels pénitentiaires le plein exercice de leurs missions.
Il est nécessaire de revoir les capacités d’accueil, d’envisager la réaffectation de certains détenus à la suite de leur évaluation. Aujourd’hui, c’est le seul moyen réaliste et objectif pour une réelle amélioration des conditions de travail des personnels en Métropole et en Outre-mer.
Ne doutant pas de votre intérêt pour ce sujet sociétal des plus sensibles, l’UFAP UNSa Justice est à votre disposition pour vous présenter ses réflexions et propositions.
Dans cette attente, je vous prie de croire, Mesdames et Messieurs les Sénateurs, en l’expression de ma haute considération.
Le Secrétaire Général,
Emmanuel CHAMBAUD